dimanche 13 juillet 2008

L'Auberge de La Boissière (Calvados)


Du relais de poste au relais gastronomique, un témoignage de l'histoire du bâti régional et de la gastronomie en Pays d'Auge....

Situé dans le bourg de La Boissière mais appartenant à la commune du Pré d’Auge, l’édifice est construit en bordure de la D613 (ex RN 13), sur laquelle il empiète, surtout depuis l’élargissement à trois voies de l’ancienne route nationale Paris-Cherbourg.

C’est une construction dont les parties les plus anciennes remontent aux XVI° et XVII° siècles. Elle fonctionnait alors comme auberge et relais de poste pour les diligences assurant la liaison de l’axe Paris-Cherbourg. Un ancien guichet, encastré dans un des murs, atteste encore du rôle de l’établissement avant l’arrivée de l’automobile. Seuls vestiges subsistants de la construction originelle des 16°-17° siècle : les deux petites fenêtres de l’étage, côté nord, soulignées de croix de Saint-André et l’imposant massif de cheminées disposées dos à dos et s’étageant sur trois niveaux. C’est alors cinq foyers de cheminées qu’il fallait entretenir de leurs feux, le dernier, sous toiture, étant réservé au couchage des cochers de diligences ! Peut-on parler, pour autant, d’un « prototype de chauffage-central » ? Disons que du point de vue de sa situation dans la construction nous avons plutôt un chauffage « centré ». Mais pour ce qui est du confort, après y avoir personnellement connu, l’époque du chauffage au bois, je puis vous assurer que nous étions loin des normes Promotelec !

La première construction ne comportait pas l’aile centrale, côté nord, qui fut une réalisation très récente, d’abord en briques et limitée au rez-de-chaussée, elle fut ensuite remaniée entièrement et surélevée en une construction à colombages. De même, côté RN 13, à l’ancienne auberge fut ajoutée une construction pour partie en brique et partie en colombages recouvertes d’un enduit de ciment, lui donnant cet aspect de construction massive et carrée qu’on lui connaît actuellement. L’ancienne construction étant beaucoup plus étroite et délimitée à la largeur des quatre pièces principales correspondant au massif des cheminées.

Le petit bâtiment situé en retrait n’est autre que l’ancienne écurie assurant la relève des chevaux pour les diligences.

Parmi les hôtes fameux qui auraient transité par l’ancien relais de poste, retenons : le roi Louis XVI qui se serait arrêté dans l’ancienne auberge pour s’y désaltérer d’une bollée de bon « bère » normand, en allant inaugurer le nouveau port de guerre de Cherbourg. Louis XVI de retour de Cherbourg a traversé Lisieux le 27 juin 1786.

Avant la guerre de 39-45 et jusqu’à la libération l’établissement a fonctionné comme bar – restaurant -épicerie et même il y eut une pompe à essence ! En témoigne l’ancienne citerne, maintenant comblée.

Après la libération (achetée le 4-11-1944 à Mr & Mme Dubosq / étude de Mtre Normand notaire à Lisieux / prise de possession le 2-02-1945), les nouveaux propriétaires, Mr et Mme Auguste et Rose-Marie Jullienne, vont donner un nouveau visage à l’ancien relais de poste sous la double dénomination d’auberge de la Pomme d’Or (appellation officielle et républicaine) et d’auberge Henri VI (appellation officieuse et royaliste). Cette double dénomination étant voulue par la nouvelle hôtesse qui entretenait une sympathie affichée pour la monarchie. Des aménagements importants et mettant en valeur le bâtiment furent alors entrepris, rénovation des huisseries, des bois, des cheminées, construction de l’aile nord, aménagement des jardins, donneront à l’édifice l’allure qu’on lui connaît aujourd’hui. Il faut noter qu’au moment de l’élargissement de la RN13, pour sa mise à trois voies, l’antique pressoir qui voisinait avec le relais fut démoli, l’auberge fut épargnée suite à son classement sur la liste complémentaire des monuments historiques. Seule fut conservée la pompe à eau où venaient puiser les habitants du village avant que ne soit aménagé le réseau d’eau.

Parmi les convives fameux qui se sont retrouvés autour des anciennes cheminées où rôtissaient les pièces de bœuf, citons :

Pour les tenants de Marianne : Mr Vincent Auriol (président de la République) venu inaugurer le Groupe scolaire ; Mr JM Louvel (ministre de l’Industrie du général de Gaulle) ; Mr R. Bisson (ancien député-maire de Lisieux) ; Mr Vanier (ancien ambassadeur du Canada)….

Pour les tenants de la Fleur de Lys : La famille du Comte de Paris au grand complet ! ; duc de Bourbon-Parme ; duc de Noailles….. et bien sûr une abondante cour de barons, marquis, comtes et ducs, princes et princesses. N’y échappa que la Reine Elisabeth d’Angleterre, lors d’une de ses visites en France, elle était attendue pour le « lunch », elle fut réorientée sur Orbec, au dernier moment, pour des raisons de sécurité !

De nombreux artistes, écrivains, avocats et médecins, connus, se sont retrouvés autour de la table copieusement servie de l’auberge de la Pomme d’Or : Tino Rossi ; La Varende (écrivain normand) ; Michel de St Pierre (écrivain) ; Mtre Isorni (avocat) ; Marcel Schlumberger ; Brigitte Fossey ; jusqu’à Johnny Hallyday qui s'est vu refuser l’accès du restaurant sous le prétexte « d’être mal habillé » ! On met plus facilement le « feu au stade de France » qu’à l’auberge de La Boissière !

Voilà un bref aperçu historique d’une des plus anciennes bâtisses du Pré d’Auge ……encore debout !

C’est aussi un appel à découvrir, ou redécouvrir, cet endroit riche de son passé et toujours fidèle à sa tradition de bonne table.

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